Manila janvier 1895, ou est-ce 1894 ?
Je ne me souviens plus, que voulez-vous je
deviens vieux, mais une année de plus ou de moins ne va pas faire grande
différence.
Ah, j’y suis, nous
sommes aujourd’hui le 7 janvier 1895, sûre, certain !
Un mois, cela fait un
mois que je suis arrivé à Manille et en ce dimanche matin, le premier dimanche de l’année, une
fraiche brise descend des montagnes qui se trouvent à l’ouest de la capitale
philippine. Le temps, ces dernières semaines, a été aussi tempéré que je
pouvais le souhaiter ; correspondant plus ou moins à celui que l’on peut
trouver en France à la fin du printemps, voire au tout début de l’été.
La seule
différence et non des moindres, pas une seule goutte d’eau sur Manille.
Nous sommes en saison sèche m’a-t-on expliqué, en saison de mousson du Nord-est
et durant cette période c’est rare qu’il pleuve, sur la capitale tout du moins.
Néanmoins, de midi à
trois heures il fait tout de même chaud et le thermomètre pousse allégrement le
mercure jusqu’aux vingt-cinq ou vingt-huit degrés Celsius. Mais, les matinées
sont suffisamment fraîches pour que je puisse effectuer avec plaisir quelques
kilomètres de marche à pied, tandis que les fins d’après-midi peuvent être
consacrées à une partie de tennis, sans avoir à souffrir outre mesure de la chaleur.
Quand aux soirées, je
peux vous assurer qu’un petit lainage, voire une jaquette ne sont pas un luxe.
Difficile de demander un endroit plus agréable pour vivre que Manille en cette fin de 19ème siècle et, même si les équipements sanitaires sont des plus primitifs, la ville entière semble être en bonne condition sanitaire, sans problème d’hygiène majeur à ce jour.
Durant la période des
vacances de fin d’année, période qui se termine aujourd’hui, les entreprises
étrangères se sont arrêtées de travailler et chacun de vaquer à des occupations
plus mondaines.
Le shopping s’est alors retrouvé en vogue et, lors d’une de mes expéditions à la recherche de matériels photographiques, il m’a été possible de faire la découverte de la ‘’Botica Inglesa’’, la boutique anglaise, ou English chemist’s shop, qui semble être la boutique offrant le plus grand choix de produits de toute la ville.
Une sorte de Samaritaine avant l’heure.
Le shopping s’est alors retrouvé en vogue et, lors d’une de mes expéditions à la recherche de matériels photographiques, il m’a été possible de faire la découverte de la ‘’Botica Inglesa’’, la boutique anglaise, ou English chemist’s shop, qui semble être la boutique offrant le plus grand choix de produits de toute la ville.
Une sorte de Samaritaine avant l’heure.
Ici il est possible
d’acheter de tout, cela va du verre à soda au métier à tisser complet, en
passant par les objets intermédiaires,
sans oublier les brosses à dents, les appareils photos et tous les accessoires
possibles et imaginables.
Parlant de shopping me
fait penser au système du ‘’chit’’, non vous n’y êtes pas, l’autre s’écrit
shit, de plus l’appellation n’arrivera
dans le langage populaire que vers la fin des années 60, début des années 1970,
si ma mémoire ne me fait pas défaut.
Donc il faut que je vous
parle du système du ‘’chit’’, un système largement pratiqué en Asie du sud-est
à notre époque. Lorsque les gens, quand vous-même faites vos achats, vous
passez à la caisse, mais vous ne payez pas … pas en cash, pas en espèces tout
du moins. Ici personne ne paie en espèces et savez-vous pourquoi ? La
faute au dollar Mexicain, au lourd, au très lourd dollar Mexicain !
C’est la seule monnaie
qui a cours sur les îles, mais il est si lourd qu’il est impossible d’en
transporter dans les poches de nos costumes légers de textile blanc. Personnellement je recommande le lin, léger,
aéré, bien que se froissant rapidement.
Donc lorsque vous passez
à la caisse, vous allez signer un I.O.U., c’est simple et pas compliqué, vous
signez un I.O.U. dont l’écriture indique les achats, la date et le montant total de ces achats.
Ceci est valable dans les nombreuses boutiques qui ont adopté le système.
Vous signez, emportez votre marchandise et aucun soucis, oubliez … jusqu’à la fin du mois. Période à laquelle toutes les ‘’chits’’ qui portent votre nom seront présentées à votre domicile pour paiement en espèces sonnantes et trébuchantes.
Résultat : vous
n’avez jamais eu l’impression de dépenser quoi que ce soit … jusqu’au premier
jour du mois suivant, quand les I.O.U. sont présentées à votre domicile pour
échange contre des espèces.
Un peu le système de vos
cartes de crédit modernes, bien avant l’heure !
Si vos ‘’chits’’
proviennent toutes d’un seul magasin et ce pour un montant important, la
personne en charge du recouvrement se présentera avec un ‘’coolie’’ (un
porteur) ; si le montant est très, très important, avec un coolie et une
brouette. Si vous avez trois ou quatre collecteurs qui arrivent en même temps,
votre domicile risque fort de ressembler à l’échoppe d’un changeur.
Il y a tant de fausses
monnaies en circulation que chacune des pièces que vous donnez au collecteur
sera mordue ou jetée sur le sol pour savoir si elle contient éventuellement du
plomb.
Le son de la pièce, qu’il écoute religieusement, ne semble pas être, de votre opinion tout du moins, un signe d’intégrité … vous sentiriez-vous coupable quelque part ?
Le son de la pièce, qu’il écoute religieusement, ne semble pas être, de votre opinion tout du moins, un signe d’intégrité … vous sentiriez-vous coupable quelque part ?
Ainsi vont les choses,
nombreux sont les tenants de magasins qui se sont fait avoir par des margoulins,
des aigrefins et qui n’ont pas été capables de récupérer les crédits consentis,
qui n’ont pu récupérer leur dû auprès de débiteurs qui ont préféré s’enfuir
pour Hong Kong ou Singapour.
La nouvelle année a été,
comme il se doit, célébrée dans la bonne humeur, avec des préparations
nombreuses et variées. A mon Club, les menus proposés étaient remarquables et
quand on sait qu’il n’existe pas de fourneaux à Manille, l’on trouve
merveilleux qu’il soit possible de cuisiner d’une manière aussi parfaite.
A Manille un fourneau
n’est plus ni moins qu’une sorte de pot de terre de bonne taille, prenant
parfois la forme d’un grand sabot. Une partie du sabot reçoit le foyer, l’autre
partie les petits bouts de bois qui vont servir de combustible. Le foyer est
ouvert sur le dessus et ne peut recevoir qu’un poêle ou casserole à la fois.
Dans une cuisine normale il n’est pas rare de trouver une douzaine de ces fourneaux improvisés, un par préparation ; les soupes, les viandes, les légumes, l’eau chaude, le riz lui en occupant plusieurs.
Leurs coûts, juste quelques pesetas, permet d’en avoir toujours deux ou trois en
réserve.
C’est ainsi et lorsque vous déambulez dans les rues ou prédominent les huttes natives, faites de bambou et de nippa, il vous est possible d’apercevoir les plats qui sont ainsi cuisinés par les familles locales.
C’est ainsi et lorsque vous déambulez dans les rues ou prédominent les huttes natives, faites de bambou et de nippa, il vous est possible d’apercevoir les plats qui sont ainsi cuisinés par les familles locales.
Etonnant de savoir que
les plats élaborés qui vous sont présentés ont été préparés d’une façon aussi
complexe, cela force l’admiration.
Si cuisiner à Manille
relève du défi quotidien, je me pose des questions sur les possibilités de
faire la vaisselle, de nettoyer les plats et les assiettes, les fourchettes et
les cuillères, que dire des verres. Verres qui pourtant et je viens de m’en
assurer sont d’une propreté exemplaire.
Néanmoins, je soupçonne
la dessous quelque magie et même dans mon Club, j’hésite à aller faire un tour
aux cuisines. Je pars du principe que moins l’on voit de la préparation de la
cuisine indigène, meilleurs sont l’appétit, la saveur et le goût.
Ceci est
valable pour l’ensemble des pays d’Asie, où vous pourrez remarquer, entre
autres, que les toilettes sont toujours à jouxter les cuisines.
Je m’attendais à une
introduction précoce aux tremblements de terre, mais aucun n’a eu lieu jusqu’à
ce jour, pas le moindre petit frémissement de la croûte terrestre. J’en deviens presque téméraire, allant parfois
jusqu’à en oublier qu’ils existent.
Peu de temps après mon
arrivée j’ai été tenté de mettre mes
bouteilles de produits chimiques dans une boîte remplie de sciure, de laisser
ma carafe d’eau à moitié vide et d’emballer ma montre dans du coton, dans l’attente
d’un tapage nocturne qui serait provoqué par le combat de titans que se
livreraient deux plaques de la planète terre.
Pour les anciens, les
vieux routiers qui ont vu la ville tomber en morceaux à la fin des années 80, c’est
un devoir que d’alerter et surtout d’alarmer les nouveaux arrivants.
Je dois dire qu’au tout début de mon séjour, je me suis plusieurs fois mis à pâlir aux passages de lourds charriots dans la rue pavée adjacente au Club. A plusieurs reprises je me suis mis à penser qu’il me fallait sauter à travers la fenêtre, ceci au moindre soupçon de vibrations.
Je dois dire qu’au tout début de mon séjour, je me suis plusieurs fois mis à pâlir aux passages de lourds charriots dans la rue pavée adjacente au Club. A plusieurs reprises je me suis mis à penser qu’il me fallait sauter à travers la fenêtre, ceci au moindre soupçon de vibrations.
Quelques mots sur les
maisons à étages de Manille.
Je ne pense pas qu’il y ait de résineux sur l’archipel, de ce fait de nombreuses applications utilisent des bois tropicaux, des bois durs. Les planchers entrent dans cette catégorie. Les planches, sciées à la main dans des troncs énormes, sont des modèles du genre.
Les procédés de polissages, qui utilisent des feuilles de bananiers, des chiffons gras et des noix de cocotiers, prouvent un certain génie du travailleur local.
Non pas les noix en vérité, c’est la coquille, cette sorte de conque qui entoure cette noix qui va être utilisée pour le polissage du bois. Les locaux en utilisent une demi-coquille qu’ils attachent à l’un de leur pied avec une sangle et ils frottent ainsi le parquet jusqu’à ce que ce dernier brille comme un soleil.
Cela donne un air de
fraicheur aux demeures locales et cela sent le propre, si le propre peut sentir
quelque chose.
Manille présente
indéniablement un certain charme quand on s’intéresse aux travaux manuels que l’on
retrouve partout dans le monde. Les machines brillent par leur absence, tout ou
presque est fait à la main.
De ce fait, ici et là l’on peut remarquer les inégalités, le manque de répétition exacte, les lignes qui ne sont pas toujours horizontales ou verticales, tout le charme du travail effectué à la main, le reflet d’une intervention humaine plutôt que celles de roues et de leviers.
Les fenêtres, je devrais
dire les portes fenêtres, sont également conçues et réalisées d’une façon
curieuse.
Ces portes fenêtres glissent comme sur des rails, dans des rainures en fait, de gauche à droite et de droite à gauche. Chaque porte fenêtre à son rail en bordure du balcon, il est ainsi possible d’ouvrir partiellement ou totalement et de faire entrer plus ou moins d’air dans la pièce. L’intérieur de ces portes fenêtres est constitué d’une trame de lattes de bois délimitant des carrés d’environ dix centimètres par dix, carrés qui sont remplis par des coquillages fins, plats et translucides que l’on nomme ici Capiz. Ces Capiz laissent passer la lumière, mais pas l’air ni la pluie.
Nous avons tous entendu parler
de route faites de coquillages, mais combien d’entre vous connaissent les
fenêtres de coquillages ? Il n’y a pas de verre aux Philippines et vous
verrez que l’on s’habitue très vite à la maison de Manille et à ses portes
fenêtres, qui rarement fermées, offrent des ouvertures immenses.
Dans un prochain post je
vous parlerai des Trams (tramcar), oui
il y a des Trams à Manille en cette fin du 19ème siècle, des coqs de combat et
des barbiers chinois.
Expériences, avis, critiques et commentaires, comme d'habitude sont les bienvenus.
Retrouvez-moi sur : www.maretraiteauxphilippines.blogspot.com
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1 comment:
Tu fais très jeune pour ton age...
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