Saturday, April 9, 2016

COURAGEOUS ... ET RAY !

Courageous... et Ray !

Courageous serait-elle fatiguée ?

À mon avis elle n’a pas quitté son barahan depuis au moins un mois.
Oh, son maître s’est occupé d’elle, surtout lors du passage du typhon et de la dépression tropicale qui a suivi ce dernier en décembre. Ses attaches ont été renforcées, on l’a monté un peu plus en hauteur. Oui, mais elle n’a jamais retrouvé son élément, l’élément pour lequel elle a été conçue, préparée, équipée, choyée.

Ray rame

                                   
Elle demeure là, inerte sur son ponton de bambous, comme ligotée à ce dernier et incapable de faire le moindre mouvement. Personne ne semble s’être vraiment occupé d’elle ces dernières semaines. 

Ce matin vers sept heures j’ai bien rencontré Ray, mais il était sur sa motocyclette et la trousse d’outils qu’il portait en bandoulière semblait vouloir dire qu’il avait repris son ancienne occupation.

Mais, que je vous présente Ray.
Ray est charpentier de métier, en fait plus menuisier que charpentier, comme la majorité des Philippins qui se disent charpentier. Une pane, une poutre faîtière, des chevrons ou des liteaux, je ne suis pas certain qu’il sache ce que cela veut dire, même en anglais, voire en Tagalog si ces appellations existent dans cette langue.

Disons que c’est une personne qui, dans une certaine mesure, sait travailler le bois. Il possède les outils nécessaires et sait comment les utiliser, qu’il s’agisse de rabots, ciseaux, maillets, scies… Il est également équipé en petit outillage électrique, scie sauteuse et scie circulaire, ponceuse, perceuse et même un petit tour qu’il utilise parfois, principalement pour faire des balustrades.

L’habitation de Ray se trouve légèrement en retrait du bord de la rivière, sur le compound d’Andy le Pacha. Il a pour voisin un pêcheur de Pusit (calamars) et de nombreux squatters qui vivent dans des huttes et cabanes faites de bric et de broc. Son habitation sort du lot avec ses murs en ciment, ses portes et ses fenêtres qui sont réellement des portes, avec clenches, serrures et des fenêtres avec du vitrage. Ce qui n’est pas le cas des cabanes aux alentours, faites pour la majorité de contreplaqué de récupération, de bambous, de cartons et de bâches plastiques plus ou moins étanches.

Courageous et Patana
                                 
Donc Ray, qui est grand, sec et que j’estime avoir une petite cinquantaine d’années, émerge quelque peu du reste des habitants de cet endroit du bord de la rivière. C’est un membre de la garde rapprochée d’Andy le Pacha, le propriétaire du lieu et de plusieurs établissements commerciaux, tous situés à Ternate.

Andy c’est un notable, mais relativisons, un notable local, un notable au niveau de Ternate. Il s’est présenté à plusieurs élections locales, mais a toujours été battu. Pour vous le décrire, je dirais qu’il n’est pas très grand, rondouillard avec un ventre bien rebondi, l’air jovial et toujours souriant. Il aborde des lunettes du style RayBan de chasse, oui, mais des lunettes de vue aux verres très épais. Sans ses lunettes il est perdu et telle une taupe part à la recherche de… ses lunettes. Loin, très loin même de la vue perçante des aigles pêcheurs qui survolent majestueusement la rivière à la recherche de leur pitance.

Il faut dire à sa décharge qu’il courre et a toujours férocement couru la gueuse, qu’il ne fume plus, mais qu’il boit pas mal, pour ne pas dire beaucoup. C’est une attitude qui n’est pas spécialement bien vue par Iglesia Ni Cristo, une église qui à Ternate fait la pluie et le beau temps au niveau des élections.

Pêche au filet dans la rivière Maragondon
                 
Donc notre ami Ray, la petite cinquantaine et charpentier de métier s’est, il y a quelques mois, posé des questions. Lui qui a de plus en plus de difficultés à trouver un emploi stable du fait de son âge, les employeurs philippins préférant les jeunes, a pour voisin un pêcheur de « Pusit » et ce pêcheur ramène parfois plus de quinze kilos de Calamars dans sa journée. Quand on sait qu’un kilogramme de ces céphalopodes se vend  plus de deux cents Pesos, cela fait une journée à plus de trois mille pesos !

Il y a de quoi réfléchir et Ray s’y emploie.
« J’ai de plus en plus de mal à trouver un job, même temporaire, un job de journalier qui me rapporte entre deux cents cinquante et trois cents pesos et j’ai à côté de moi un simple pêcheur, un gars sans véritable formation, qui gagne dix fois plus que moi ».
Une idée germe dans la tête de notre ami, peu à peu elle prend forme et fait son chemin.

« Un bateau, ou plutôt une Bangka, je dois être capable d’en construire une, ne suis-je pas charpentier de métier et avec une formation ». « Pour les pièges, casiers à calmars que l’on nomme ici  ‘’Boubou’’, j’ai des amis qui savent faire. Je pourrais même adjoindre quelques filets que j’irai étendre en mer, mes amis savent confectionner des filets de pêche ».

Et au mois de septembre dernier notre ami Ray se lance dans la fabrication d’une Bangka. Il en a étudié la conception, grâce à celle d’Enner, son voisin patron pêcheur et aux avis d’Andy qui a une certaine connaissance de la chose. Contreplaqué, pièces de bois, epoxy, clous de bronze, apprêt, peinture, tout cela il connaît notre ami Ray et la Bangka peut à peut prend forme.

Quatre semaines, en quatre semaines la nouvelle Bangka est terminée, ou presque. Il ne reste plus qu’à confectionner et poser les balances. Pendant ce temps ses amis ont commencé la fabrication de ‘’boubous’’ et de filets afin que notre ami Ray soit fin prêt et ne perde pas de temps. Les accessoires de pêche doivent permettre une utilisation professionnelle de la barque dès que cette dernière sera mise à l’eau.

Courageous sur son Barahan 
                            

Parlons coût, combien a pu coûter à Ray la ‘’Bangka’’ et ses accessoires, sans oublier les matériels de pêche. Disons une quinzaine de milliers de pesos pour ce qui est de la Bangka, somme à laquelle nous ajoutons le prix d’un moteur neuf, sont axe, l’hélice… ajoutons vingt-cinq mille pesos. Pour ce qui est des matériels de pêche, six boubous à cinq cents pesos l’unité, deux filets à mille pesos chaque, une ancre, des cordages et la confection d’un barahan, ce ponton de bambou sur lequel sera monté la Bangka.  

Donc le coût total pour Ray devrait avoisiner les cinquante mille pesos, somme à laquelle j’ajoute dix mille pesos, le manque à gagner de Ray qui n’a pas travaillé pendant un mois. Grand total comme l’on dit ici, soixante mille pesos. Je pense qu’Andy a participé au financement, mais je n’en suis pas certain.

Et le grand jour arrive.
Courant octobre la Bangka est mise à l’eau et première constatation, le travail a été bien fait il n’y a aucune fuite ! Démarrage du moteur, un Briggs & Straton neuf de dix chevaux, qui part au quart de tour.
Et en avant pour un petit tour sur ce coin de rivière.

Ray est aux commandes assistés de deux spécialistes, des personnes qui connaissent les Bangka, en fait pas vraiment des spécialistes, mais de bons connaisseurs tout de même !
On remonte la rivière, pas question de se lancer directement en mer, sait-on jamais ce qui pourrait arriver.

Une fuite soudaine, la Bangka qui se désintègre, une panne moteur, que sais-je ? Il peut s’en passer des choses sur l’eau quand on se trouve aux commandes d’un bateau, même d’une Bangka récemment construite dans les règles de l’art, de l’art de Ray. Car il faut relativiser, il n’est pas, loin de là, charpentier de marine.

Différentes sortes de Bangka philippines

Courageous, le nom de la Bangka de Ray, est difficile à manœuvrer ; elle fait des zigzagues sur l’eau de la rivière. Il faut dire que Ray, qui n’est pas un marin, a tendance à sur-compenser avec le gouvernail, mais ce n’est pas le seul problème, je vais y revenir.

Première modification apportée, changement de l’hélice qui n’était pas adaptée à la taille du bateau et à la puissance du moteur.

Ray a copié la fabrication de sa Bangka en reproduisant la conception de celle d’Enner son voisin pêcheur.
Oui, mais la barque d’Enner n’est pas vraiment construite comme la majorité des Bangka philippines. En effet, elle ne possède pas de ‘’Bowl’’, ce tronc d’arbre évidé qui sert de base à toute Bangka qui se respecte. Il faut dire qu’avec le Log Ban, l’interdiction d’abattre des arbres qui est en place sur l’archipel depuis quelques années, il devient de plus en plus difficile de se procurer de grosses et belles pièces de bois. Ou alors à des coûts qui dépassent largement les possibilités financières d’un simple ‘’Carpenter’’.

Donc le fond de la barque de Ray, fait de contreplaqué, est plat et léger. La Bangka d’Enner, qui est ancienne, a été fabriquée avec des bois lourds, elle s’enfonce dans l’eau, ce qui n’est pas le cas de celle de Ray qui fait plutôt dans le genre caisse à savon. La coque enfourne au lieu de glisser sur l’eau.

Je lui suggère d’alourdir sa barque, de la lester avec des pierres, voire avec un sac de sable positionné un peu en avant du centre de gravité.

Retour de pêche
                                  
Et puis c’est le grand jour, le premier jour de pêche pour ‘’Courageous’’ et elle emporte pour cela cinq ‘’Boubous’’, ces pièges à calamars aux armatures de bambou. Les boubous sont posés de bon matin et Courageous, avec Ray à la barre, viendra les récupérer en fin de journée. Je suis présent lors de ce premier retour de pêche, ce n’est pas brillant, un seul calamar et encore pas un gros !

Bilan de la première journée de pêche : cinq litres d’essence à cinquante pesos le litre et un seul calamar dont on peut estimer la valeur à une cinquantaine de pesos. Il en sera ainsi dans les jours qui vont suivre, les prises sont loin de couvrir les coûts de carburant. Ray va donc modifier sa façon de pêcher et utiliser ses filets. Mais là encore, les résultats seront bien en-dessous des espérances et jamais la vente des quelques poissons pêchés ne couvrira les frais de carburant. 

Ray va donc faire une troisième tentative, sans utiliser le moteur cette fois, simplement en posant ses filets le soir dans la rivière et en les relevant au petit matin, mais là encore ses espoirs vont être déçus. Mais au moins il n’a pas les frais supplémentaires de carburant. Par contre, je me demande comment il lui a été possible d’indemniser son aide ?  Celui qui l’’assistait dans la pose des boubous et des filets.

Puis Courageous va rester plusieurs mois sans bouger de son ponton de bambou ; la faillite pour Ray dans sa tentative de devenir pêcheur. Néanmoins, Courageous ressortira deux ou trois fois en février afin d’amener quelques pêcheurs Coréens en mer, mais sans Ray qui n’est plus que le loueur de la Bangka. Puis, durant la Semana Santa, nos Pâques, Ray se fera un peu d’argent en promenant des touristes locaux dans la Baie de Manille.

En route, vers le large
                  

C’est une activité qui s’est considérablement développée ces dernières années et qui rapporte certainement plus aux pêcheurs locaux que la pêche traditionnelle. Il n’y a plus de poissons dans la Baie mon bon Monsieur.

Cette situation de faillite est très courante sur l’archipel, les Philippins ne voyant que le côté revenus et oubliant, bien souvent, charges et  compétences nécessaires à tout nouvel emploi. On ne passe pas de charpentier à pêcheur du jour au lendemain. La volonté, le courage, l’audace, l’énergie, le Philippin ne manque pas de ces qualités ; mais les projets, comme celui de Ray, sont souvent voués à l’échec du fait d’un manque total d’analyse de l’environnement même de ces projets.

 Souvenez-vous de mon billet ‘’Les Xerox Copieurs’’.
On copie, oui, mais sans le savoir faire !

Les principales erreurs commises par Ray dans son projet de devenir pêcheur :

Premièrement, il n’est pas du sérail, il n’est pas comme Enner et ses frères, né ou presque né sur une Bangka. La famille d’Enner est une famille de pêcheur depuis des générations, le père était un spécialiste de la pêche aux calamars avec des pièges de bambou et les fils connaissent cette partie de la Baie comme leur poche. Les courants en fonction des saisons, les emplacements où viennent se reproduire les céphalopodes, les hauteurs d’eau, les dangers que représentent les méduses, les poissons pierres, les lions, etc. Donc, il aurait dû faire un stage de quelques mois avec un pêcheur local avant que de se lancer.

Attention aux bancs de sable
                             
Deuxièmement, Ray ne sait pas se servir d’un compresseur et du narguilé qui va avec pour faire de la plongée, de ce fait il a du mal à positionner ses pièges au fond de l’eau. Et la hauteur entre le fond marin et le bas du piège est déterminante ; de plus cette hauteur va varier en fonction de l’endroit où le boubou va être positionné.

Troisièmement, novice dans l’utilisation d’une Bangka, je le soupçonne fort de ne pas aller trop loin, de ne pas atteindre les endroits les plus propices à une bonne pêche du calamar, de rester par trop à proximité de son port d’attache. Il y a également le fait que plus l’on s’éloigne, plus les coûts de carburant sont élevés ! 

Sans oublier le risque de tomber en panne et je ne suis pas persuadé que Ray sache parfaitement dépanner son moteur en cas de pépin.


Un moyen qui semble facile de gagner sa vie, le courage, la volonté d’aller jusqu’au bout des possibilités financières et la faillite ! Nombreux sont les projets qui sur l’archipel se terminent ainsi.

Ray a toujours la possibilité de revendre sa barque… mais si les barques à vendre sont nombreuses, il n’en est pas de même des acheteurs !



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