Saturday, December 24, 2011

BASILAN ... L'ÎLE ... EST-ELLE FRANÇAISE ?

Oui, vous avez bien lu, il ne s’agit nullement d’une plaisanterie ou d’un canular et nous ne sommes pas le premier avril, l’île de Basilan est-elle française ?

Basilan, c'est cette île située à proximité de la ville de Zamboanga sur la presque'île du même nom, ville qui fait parler d'elle ces jours-ci  avec la nème mutinerie de Nur Misuari.

Oui, l’île de tous les dangers, l’île des Abu-Sayyaf, des MILF (Moro Islamic Liberation Front) et autres bandes spécialisées dans le kidnapping, parfois de ressortissants étrangers, l’île de Basilan est-elle française ?


Pourquoi cette interrogation ? Sans plus vous laisser mijoter, je vous donne immédiatement la réponse :
Le 20 février 1845, le Sultan de Sulu a formellement vendu l’île de Basilan à la France en échange de 100.000 piastres ou 500.000 francs français de l’époque.

L’Amiral français Cecille, Jean-Baptiste Thomas Médée Cécille (18 octobre 1797 - 9 novembre 1873) conduisait les négociations et il aurait, peut-être, ''un peu'' forcé la main du Sultan pour accepter cette transaction

L’île de Basilan vous n’en aviez certainement jamais entendu parler avant que les Abu-Sayyaf, le groupe islamiste terroriste, n’y cache ses otages enlevés sur une autre île, mais Malaisienne celle-ci, Sipadan.

Rassurez-vous, vous n’êtes pas les seuls, je n’en avais jamais oui dire avant que d’y mettre les pieds à la fin des années 90.

Le dimanche 23 avril 2000, un commando des Abu Sayyaf, armé de fusils M16 et de lance rockets, débarque sur une plage de l’île Malaisienne de Sipadan. Là il s’empare de 21 otages, touristes et membres du personnel d’un club de plongée, avant de repartir sur des bateaux rapides, en direction de son fief, l’île de Basilan. 



Moins de cinq mois plus tard, rebelote, cette fois-ci razzia sur le Scuba Diving resort de Pandanan, une île proche de Sipadan. L’année suivante se seront 15 autres personnes qui seront kidnappées près de Sipadan.

Les rançons versées pour la libération des otages sont énormes, plusieurs dizaines de millions de dollars, ce qui renforce la puissance de ce groupe devenu plus bandit que militant islamique. Le groupe peut ainsi facilement recruter et se procurer de nouvelles armes.

C’est la technique, le modus operandi des Abu-Sayyaf et de certains groupes plus ou moins dissidents du MILF. On repère la cible, on arrive lourdement armé par la mer, un commando qui prend plusieurs otages, si possible des étrangers (ils ont plus de valeur), tout ce beau monde rejoint les bateaux, les otages sous la menace des armes et l’on embarque et direction de l’île de Basilan. Là, l’on va se cacher et entamer les négociations pour la libération des otages contre rançons. 

Basilan, c’est une relativement petite île, de l’ordre de 50 kilomètres dans sa plus grande largeur, d’Est en Ouest et d’une quarantaine de kilomètres du nord au sud.


Elle est la plus grande de l’archipel de Sulu, archipel qui en compte environ 400 et qui s’allonge entre le sud ouest de Mindanao et Bornéo. Si vous prenez une carte ou allez faire un tour sur Google earth, c’est celle située le plus au nord-est, à quelques encablures de la presqu’île de Zamboanga.

Basilan est une île qui a toujours attiré la convoitise. Son hospitalité, ses forêts, ses terres arables, ses dépôts de fer, sa proximité de Mindanao, la possibilité de la défendre aisément, ses populations … Peut-être un peu de tout cela, toujours est-il que l’île a connu une histoire pour le moins agitée.

5000 ans avant la naissance du Christ, l’île est habitée par des Negritos.
Etait-elle ou avait-elle été habitée par des hommes préhistoriques ?

Entre 1500-500 avant JC, des peuples indigènes, les Indones, ancêtres des Yakans et des Samals arrivent sur Basilan et déplacent les Negritos.



Entre 300 et 200 avant JC, des peuples de la mer en provenance de Bornéo, les Malays, ancêtres des Tausug, arrivent et déplacent les Yakans de la côte Ouest de Basilan.

Puis l’on passe directement aux premiers faits relatés par écrits.

Pourquoi ?

La préhistoire philippine se résume à ce jour à deux découvertes majeures :
La première preuve matérielle de la présence de l’homo sapiens sur le nord de Luzon il y a 67.000 ans, un os, un métatarse pour être plus précis, découvert dans une grotte de la province de Cagayan en 2007 (l’homme de Callao) et l’homme de Tabon, des ossements humains découverts dans une grotte de Palawan en 1962 et datés entre  24.000 et 22.000 ans avant JC. 

Cela fait peu !

Il y a environ 30.000 ans, il est supposé qu’une vague de migration (ce n’était pas la première), après avoir quitté l’Afrique, a atteint les îles Andaman, avant que de se répandre sur l’Asie du Sud-est en profitant des passages terrestres ouverts durant la période glaciaire. Certains se sont arrêtés en l’actuelle Malaisie (de nos jours les Orang Asli) et d’autres auraient poursuivi en direction de Bornéo, puis du Sud des Philippines.

Honnêtement, il est difficile de s’y retrouver.

Certaines tribus de Mindanao parlent un langage (ou plusieurs) qui se rapproche de celui utilisé par les habitants des îles tahitiennes, langage fondamentalement différent de ceux parlés par les autres ethnies et tribus, autres langages qui semblent trouver leurs origines en Inde !

Il n’y aurait jamais eu de passages terrestres entre la Chine (le Continent Asiatique) et les Philippines.
Mais revenons à l’histoire de Basilan, à cette période de l’histoire qui nous intéresse, afin de savoir si Basilan est une terre française.


En 1417, le Mandarin Chan Chien, de la Cour Imperiale chinoise, visite le royaume de Kumalarang et séjourne deux ans à Basilan.
Le 16 novembre 1420, Lakan Ipentun et sa suite, guidé par le Mandarin Chan Chien, rend visite à l’Empereur de Chine Yung Lo.

Je n’ai trouvé aucune information à ce sujet, mais l’on peut supposer que :
Lakan Ipentun ou ses ancêtres ont constitué un petit royaume sur Basilan. 

Avec l’arrivée de l’envahisseur islamique, Lakan Ipentun, qui certainement connait la puissance de l’Empire chinois, ne serais-ce que par les échanges avec les marchands chinois, cherche à se mettre sous sa protection. 


Donc il va aller faire allégeance à l’Empereur de Chine et se faire reconnaître comme ‘’roi’’ de Basilan, certainement en payant tribu (taxes, impôts), à ce même Empereur. Malheureusement il meurt sur la terre chinoise lors de son retour. Son successeur Lapi, envoie un ambassadeur à la Cour de l’Empereur, il souhaite certainement continuer à bénéficier de la protection de l’Empire.

1521, Antonio de Pigafetta, le chroniqueur de l’expédition de Ferdinand de Magellan, Indique, mais sans trop de précisions, que les rescapés de l’expédition sont passés par ‘’Zolo’’ et Taghima’’ ! Zolo c’est Sulu et Taghima, c’est l’ancien nom de Basilan.

1635, le Sultanat de Kudarat établit une base Maguindanao à Lamitan, une ville de Basilan.

1637, la réponse des Espagnols est presque immédiate, le Gouverneur Général Sebastian Hurtado de Corcuera attaque et détruit la base de Maguindanao (musulmans). Le Frère Francisco Lado, un Jésuite, établit la première mission Catholique la même année (Pasangen, Isabela)

1638, Datus (un Datu est le vassal du Sultan, donc musulman) Boto, Kindingan et Ondol, sont les premiers à être baptisés.

1654, le recensement effectué par l’église montre que plus de mille familles catholiques vivent à Basilan.
L’Espagne, qui avait installé des garnisons permanentes sur Zamboanga et Basilan, décide en 1663, de rapatrier ces garnisons sur Manille pour la défense de la ville, menacée par le pirate chinois Koxinga. Ce sont les Jésuites qui vont prendre la suite de l’armée.

1718, les garnisons espagnoles de Zamboanga et de Basilan sont restaurées.

 1726, un traité, signé entre les Espagnols et le Sultan de Sulu Badar ud-din, cède officiellement Basilan aux Espagnols.



1744, les Hollandais, par l’intermédiaire de la Dutch East India Company, attaquent Jolo et Basilan.

1746, la Dutch East India Company établit une base et un comptoir commercial nommé Port Holland (de nos jours Maluso).

1747, un prince Tausung, Datu Bantilan, attaque Port Holland, brûle le fort et oblige les Hollandais à se replier sur Batavia (Java).

1754, le Sultan Muizz ud-Din (anciennement Datu Bantilan), multiplie  les raids et les attaques, aussi bien sur Basilan que sur Zamboanga.

1798, ce sont les Anglais qui s’en mêlent, leur flotte attaque Fort Pilar et Zamboanga.

1805, les Anglais font retraite et se réfugient au Nord de Bornéo sur l’île de Banambangan.

1824, pour en terminer avec la piraterie, stopper le commerce des esclaves et mettre fin à la menace ‘’Moro’’, l’Empire espagnol envoie une force navale légère et manœuvrable sous les ordres du Capitan Alonso Morgado.

1844-1845, la Royale française fait le blocus des ports de Basilan et c’est là que ça devient intéressant.


Dans les années 1840, il n’y a pas que les Espagnols à être intéressés aux îles situées à l’Ouest de Mindanao. Les Anglais, les Allemands, les Américains et bien entendu les Français, s’intéressent à ces riches îles, parties du Sultanat de Sulu.

En 1843, le Ministre français des affaires étrangères de l’époque, François Guizot envoie une flotte au Vietnam. La flotte est placée sous les ordres de l’Amiral Cecille et du Capitaine Charner, c’est en fait le début de  l’intervention française au Vietnam.   

Les Anglais sont avec succès en Chine depuis 1842 et pour contrebalancer ce succès, la France espère pouvoir atteindre la Chine par le Sud, par le Vietnam.

Les prétextes officiels de l’expédition sont d’aider les Anglais en Chine et de combattre la persécution dont sont victimes les Missionnaires français au Vietnam.

La flotte, avec à bord un diplomate nommé Lagrene, tente de prendre possession de l’île de Basilan, ceci dans le but d’y créer une base comparable à celle qu’ont les Anglais avec Hong Kong.

Mais le projet devra être abandonné, suite à la très forte opposition des Espagnols qui réclament l’île comme faisant partie des Philippines. De plus les trônes de France et d’Espagne sont occupés par des Bourbons.
Néanmoins, et c’est là que l’on pénètre au cœur du sujet, la question que je pose en titre de ce post, l’île de Basilan est-elle française ?

Quand la flotte française, sous le commandement de l’Amiral Cecille, a fait le blocus de l’île, que nous appelons Taguime ainsi qu’elle est nommée sur de nombreuses cartes marines, le Gouverneur espagnol de l’époque a rétorqué que Basilan avait reconnu la souveraineté de l’Espagne juste un an auparavant, en février 1844.

Qu’à cela ne tienne, les Français vont alors, en les forçant un peu à ce que je me suis laissé dire, faire signer par les Datus de Basilan, un document par lequel ils reconnaissent leur absolue indépendance vis-à-vis de l’Espagne.

Premier mouvement, un document daté du 13 janvier 1845, signé sur le vapeur français Archimède, par lequel les Datus de Basilan déclarent qu’ils sont indépendants de l’Espagne.  

Il ne reste plus qu’à terminer l’opération en faisant signer par le Sultan de Sulu, dont les Datus de Basilan sont les vassaux, un document officiel par lequel il cède à la France l’île de Basilan en échange de 100.000 piastres ou de 500.000 francs français de l’époque. 

Ce qui est fait le 20 février 1845.
Donc l’île de Basilan / Taguime est bien française !




Oui, mais … les habitants de Pasengen, la principale ville de Basilan qui se nomme de nos jours Isabela, demeurèrent fidèles aux Espagnols et luttèrent contre les Français pendant plus d’une année. Le roi Louis Philippe, un Bourbon, pris la décision de ne pas prendre possession de l’île, bien que le Gouvernement ait approuvé l’annexion et même alloué un budget pour l’année 1845.

Les revendications de la France sur l’île de Basilan étaient tout à fait fondées, car basées sur une cession formelle de la part du Sultan de Sulu et d’un agrément écrit, également formel, des Datus de l’île.

La France retira ses prétentions dans une proclamation datée du 5 août 1845, redonnant à l’Espagne toute sa souveraineté sur l’île.

C’est dommage, j’aurais bien aimé … un autre casse tête que nous aurions eu à régler.

Donc, pour résumer, si l’île de Basilan n’est pas française de nos jours, elle l’a tout de même été du 20 février 1845 au 5 août 1845.

Dans un prochain post je reviendrai vous parler de la Basilan moderne, bien que nous reparlerons certainement du passé … j’ai découvert une belle histoire, mythe ou légende ?

Vous connaissiez cet épisode de notre épopée coloniale ?


Avis, critiques et commentaires, sont comme d’habitude les bienvenus.  


Pour ceux intéressé par une étude sérieuse sur le conflit de Mindanao, je recommande ce lien :



Merci à François-Xavier Bonnet.



A tous et à toutes je vous souhaite le plus joyeux et merveilleux Noël qui soit.

Que sautent les bouchons et que le champagne pétille dans vos verres, que le chapon, l’oie ou la dinde rôtisse dans le four, que le foie gras grésille dans le poêlon, n’oublions pas les huîtres ou le saumon fumé, que la bûche soit d’une tendresse exquise …
Encore et encore, à tous, un merveilleux Noël !  



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1 comment:

Anonymous said...

Bonjour, un de mes lointains parents (vers 1845), Hector Meynard de La Farge, jeune officier de la Royale, est venu se faire "massacrer par la population de Basilan", pendant la maladroite et empêtrée expédition de Louis Philippe qui pensait avoir acheté l'île de Basilan ! Vous êtes l'un des rares à en parler. Merci pour l'avoir évoqué. Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu d'autres victimes françaises. Une pensée pour l'Enseigne de Vaisseau Hector Meynard de La Farge. Amicalement,
Bertran de La Farge (bertrandelafarge@gmail.com), à Toulouse.
PS : Y-a-t-il un Consulat de France à Basilan ? Dans l'affirmative une plaque commémorative pourrait peut-être figurer quelque part autour ou dans ce Consulat ?