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Friday, October 14, 2011

LE VIEIL HOMME ... ET LES MONTRES !

TERNATE le 6 Octobre 2011. 


L’un s’en va, l’autre arrive.

Pepring, le nom local du typhon qui nous a secoués lundi et mardi dernier, vient tout juste de quitter les Philippines et déjà un nouveau s’annonce à l’horizon.
Son nom international Nalgae et il devrait, sauf changement de course de dernière minute toujours possible, nous arriver dessus samedi ou dimanche prochain.



Les plaies de Pepring ne sont pas encore cicatrisées que déjà il nous faut nous préparer à subir d’autres dégâts.

A ce que j’ai pu voir, une partie de Roxas, la grande avenue du front de mer de Manille est en partie détruite. 


Toute la contre allée piétonne faite de pavés auto-bloquants, les murets de briques roses et les bacs à fleurs, tout a volé en éclats sous la violence des flots.


Les grandes plaines au nord de Manille sont toujours sous les eaux, les barrages sont à leurs côtes d’alerte maximum, il y a menace de délestages, ce qui causerait une catastrophe majeure.

Mais cela, c’est l’actualité et ce dont je souhaite vous parler aujourd’hui c’est de mon ‘’Indiana Jones des montres’’, ou du vieil homme et des montres.

Je vous explique : je viens juste de terminer mon petit livre sur ‘’les 101 façons de Générer des Revenus aux Philippines, pour y vivre’’.



Dans ce livre je fais remarquer que trouver un emploi tels ceux que nous connaissons dans les pays occidentaux est des plus difficiles dans ce pays.

Il y a douze millions de Philippins qui travaillent à l’étranger et trente à quarante pour cent de la population est sans emploi ou sous employée.

Donc, les emplois … réservés en priorité aux Philippins.

Comme je l’explique il y a quelques places, des spécialités très pointues, des multinationales qui ont des expatriés détachés et quelques emplois plus généraux, comme des professeurs par exemple.

Ce qui veut dire que dans la grande majorité des cas, il va falloir sortir des sentiers battus pour générer des revenus. Je donne de nombreux exemples dans mon livre et je souligne que parfois la passion pour quelque chose, peut amener des idées.

Cela m’a fait revenir quinze ou seize ans en arrière quand je travaillais encore un peu et que je réalisais des études de marché, de faisabilité, de stratégie de pénétration des marchés …

Beaucoup de réflexion et d’écriture,  car à l’époque pas de lap-top, pas de tablettes, le cahier,  le stylo plus la calculette. Pas d’Internet, ou si long d’accès que j’avais plus vite fait d’aller acheter de la documentation au National Bookstore ou au National Statistics Office.



Toujours est-il que courant 1996, je faisais une étude sur les grossistes de Manille, plus précisément ceux de Divisoria, Divisoria qui se trouve à Tondo, dans le vieux Manille.  

Après l’étude sur le terrain, en général de bonne heure le matin afin d’éviter les heures chaudes de la journée, je m’asseyais à l’intérieur d’un bar restaurant situé sur Recto Avenue.

Bar vieillot, tables et chaises de bois, ventilateurs poussifs au plafond, le style colonial des années 50, pas de climatisation, ouvert sur la rue. Bonne nourriture et pas chère, la bière bien fraiche et de nombreuses et jolies serveuses. J’avais pris mes quartiers dans ce bar et j’écrivais mes rapports, je préparais mes études à partir de cet endroit, tout en observant la rue, ce qui se passait dans la rue.

Je ne sais si cela a changé, mais c’était un endroit très animé, un quartier qui grouillait, plein de petites échoppes. Changeur d’or, vendeurs et réparateurs de téléphones portables, bijouteries, montres, monnaies anciennes et de nombreux petits trafiques qui se pratiquaient là, sur le trottoir, juste en face de moi.

Et c’est ainsi que je l’ai vu pour la première fois, sur le trottoir, en limite du caniveau, un blanc parmi les Sino-Filipinos qui hantaient ces lieux. Sur le moment je n’y ai pas prêté attention, il y a des étrangers qui passent dans ce quartier, même s’ils ne sont pas très nombreux. Peut-être inconsciemment  me suis-je fait la réflexion, il attend quelqu’un ou un moyen de transport.


A chaque fois que je levais les yeux de mes écrits, il était là, sous le soleil, le chapeau vissé sur la tête. De temps en temps il s’épongeait le front avec un grand mouchoir blanc, parfois il s’asseyait au bord du trottoir, sortait quelque chose de sa poche qu’il semblait contempler.

J’ai commencé à être vraiment intrigué lorsque je me suis rendu compte que de nombreuses personnes s’approchaient de lui,  parlaient avec lui, lui montraient quelque chose et semble –t-il, faisaient affaire avec lui. Il donnait quelques monnaies en échange de … j’étais trop loin pour voir.
Il vendait ou achetait quelque chose.

Que je vous le décrive et vous comprendrez mieux pourquoi je l’ai immédiatement surnommé Indiana Jones. Il portait un pantalon beige, de ceux avec de nombreuses poches, un peu comme les treillis de l’armée, une chemise à manche longue qui pouvait être blanche, bleu ciel ou beige, un gilet du style pêcheur ou photographe avec des poches partout, une écharpe blanche autour du cou et le chapeau d’Indiana Jones coiffait sa chevelure blanche.

Etonnantes étaient ses chaussures, de grosses chaussures de marche avec des lacets, enfilées sur des chaussettes de couleur beige.

Et pendant peut-être deux mois, je ne l’ai jamais vu dans une autre tenue, seule la chemise changeait de couleur, le reste  … immuable.


Parfois il s’installait à une table proche de la rue et commandait une boisson sans alcool. Il sortait quelque chose d’un sac à fermeture éclair accroché à sa ceinture puis extirpait une loupe d’une de ses innombrables poches.  

Loupe qu’il vissait à son œil, droit ou gauche je ne me souviens plus, faisait une grimace pour fermer l’œil laissé libre et avec un minuscule tournevis arrivé magiquement dans sa main, ouvrait l’arrière de son dernier achat, ouvrait l’arrière d’une montre comme on décapsule une bouteille de bière.

Eh oui, mon Indiana Jones achetait des montres, toutes sortes de montres, pratiquement toutes les montres que d’innombrables personnes lui apportaient durant les deux ou trois heures qu’il passait chaque jour à cet endroit.

Il en avait des montres, peut-être 100 par jour, il y avait presque la queue pour lui proposer des pièces.
Un jour, alors qu’il était assis et contemplait ses derniers achats, je me suis approché et lui est proposé de boire quelque chose. « Hello, good afternoon, may I offer you some drink ? » « Yes, thanks, a coke please ». Et c’est comme cela que j’ai appris son histoire.

Ancien soldat américain il avait séjourné aux Philippines de nombreuses  années et avait fait connaissance d’une jeune Pinay avec qui il vivait depuis plus de vingt ans.


Après sa démobilisation, il n’avait jamais voulu retourner aux Etats-Unis où il avait pourtant femme et enfants. Plus jamais ça, m’avoua –t-il un jour, plus jamais de ce genre de vie que je menais au States ou que j’aurai à mener si j’avais le malheur d’y retourner.

Lorsque je lui ai demandé pourquoi il faisait ce commerce, il m’a répondu : « pour vivre ! ». « Et votre pension de militaire ? ». « Ma femme, restée aux States, la touche en grande partie et je n’ai pas assez pour vivre ici uniquement sur ma pension ».

Passionné de montres, orfèvre en la matière, il achetait des montres qui la plupart du temps ne fonctionnaient plus, les bricolait, les réparait et les revendait.

Il changeait une pièce, des aiguilles, réparait un mécanisme, mettait un nouveau boîtier, un bracelet et revendait 150 ou 200 pesos une montre achetée dix ou vingt. Il me disait parfois tomber sur de superbes pièces et faire de bonnes opérations. Amoureux des montres il m’avoua qu’il conservait pour lui les plus beaux spécimens.

Dix ans qu’il faisait cela. « Difficile au début, les gens croyaient que je voulais les arnaquer, ils voulaient toujours plus que ce que je leur offrais ; maintenant, ils me connaissent et savent que même si ce que je leur propose est un tout petit montant … ils ne pourront obtenir un meilleur prix ailleurs ! ». « Je suis ‘’Le Spécialiste’’ ».


Je me souviens encore quand, devant mon scepticisme, il me disait : « regarde, même la plus simple montre (de l’époque), si je l’achète dix pesos, que je la répare et que je la revends 100, même si j’ai besoin de deux montres pour en faire une …  sur un minimum de cent montres que je récolte chaque jour, cela me laisse de l’ordre de 4.000 pesos net et je n’ai aucuns frais ».

Qu’est devenu mon Indiana Jones des montres ?

Plus de quinze ans de cela ! Il n’était pas tout jeune, peut-être 70 ans en 1996. Est-il monté au paradis des amoureux des montres, continue-t-il à arpenter Recto avenue dans l’attente de clients ou a-t-il pris enfin, une retraite bien méritée ?

Comme quoi une passion peut  amener à gagner correctement sa vie, tout en apportant le bonheur, car il semblait heureux mon ‘’Indiana Jones’’.


Expériences, avis, critiques et commentaires, comme d’habitude sont les bienvenus.



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