Pages

Sunday, May 16, 2010

ELECTIONS AUX PHILIPPINES (SUITE)


Ouf, c’est fait, c’est terminé, ça fait du bien.
Le pays retrouve son calme et son train train habituel après une poussée de fièvre qui aura duré quelques semaines.
Tous les six ans, sauf aléas de la vie politique, les Philippins sont invités à se rendre aux urnes pour élire tous leurs représentants nationaux et locaux. Choisir un nouveau président, un vice président, la moitié des 24 membres du Sénat, the House of Representatives (un peu l’équivalent de nos députés) et tous les leaders des Gouvernements locaux (gouverneurs, vice gouverneurs, boards members, maires et conseillers) …
Cinquante millions d’électeurs inscrits, 17,000 postes à pourvoir et plus de 85,000 candidats. Chaque Philippin a coché plus de trente-cinq cases (noms) avant de glisser son ‘’bulletin’’ dans la machine. En effet, pour la première fois de son histoire, le pays a utilisé le vote automatique électronique.
Les élections de mai 2004 ont, semble-t-il, été entachées de nombreuses fraudes. La présidente sortante aurait, selon certains, volé la présidence à son rival Ferdinand Po Junior, principalement avec des votes litigieux en provenance des provinces du sud (Mindanao), fiefs de puissants clans qui font régner la terreur sur les populations locales. L’un de ces clans se nomme  le ‘’Ampatuan Clan’’, il a défrayé la chronique en novembre dernier, lorsque 57 personnes ont été massacrées dans la province de Maguindanao.
Le Clan Ampatuan est un des plus influent clan sur l’île de Mindanao, plus particulièrement dans la province de Maguindanao où il fait régner la terreur par les armes. Les membres appartiennent à un ancien et puissant clan Moro qui a, par le passé, repoussé le colonisateur espagnol et combattu les Japonais durant la seconde guerre mondiale. La famille est connue pour entretenir sa propre armée, estimée à plus de 1.500 hommes équipés d’armes modernes. C’est également un symbole dans cette partie des Philippines.
Datu Andal Ampatuan, Sr, l’actuel gouverneur de la province de Maguindanao, a commencé sa carrière politique en tant qu’officier-en-charge de Sharif Aguak (une municipalité de Maguindanao), appointé en 1986 par l’administration Aquino. Cory Aquino, Présidente des Philippines de 1986 à 1992 et mère de ‘’Noynoy’’ Aquino, celui qui devrait devenir le prochain Président.  L’administration Arroyo s’est également largement appuyée sur le clan pour sa ‘’réélection’’ en 2004 ainsi que pour faire contrepoids aux mouvements MNLF et MILF, deux factions du peuple Moro en lutte armée pour l’indépendance.
Même si l’on peut dire que les Philippines sont le moins asiatique des pays d’Asie, nous sommes néanmoins en Asie et les comportements, les alliances, les liens et accords qui régissent et unissent les différentes factions et les partis, peuvent surprendre sinon choquer un esprit occidental.
Quelques autres influents membres de la famille : Datu Andal Ampatuan, Jr. est le maire de la ville de Datu Unsay. Datu Akmad Ampatuan est le maire de la ville de Mamasapano. Zaldy Ampatuan, est le gouverneur de la Région Autonome de Muslim Mindanao. Awnwar Ampatuan est le maire de Sharif Aguak.
                                                                                                                                               
Le 10 mai dernier les Philippins ont eu un choix limité et non renouvelé de candidats à la fonction suprême et, sauf énorme surprise, il n’y a pas de grands changements à attendre dans les prochaines années pour les classes les plus défavorisées.
Quels étaient les principaux candidats en lisse ?

1.       BENIGNO ‘’NONOY’’ AQUINO
Arrivé en tête du dépouillement partiel, il est issu d’une des plus grandes familles des Philippines et de plus fils d’un ‘’Héros’’ et d’une héroïne des Philippines.
Son père, Benigno ‘’Ninoy, opposant au régime Marcos a été assassiné à son retour d’exile en 1983, sur le tarmac de l’aéroport qui porte désormais son nom. Considéré comme martyr et héros du pays, il reste très populaire dans la mémoire collective.
Sa mère, Cory Aquino, prend le pouvoir en 1986, après la première ‘’People Power revolution’’ qui fait suite aux élections truquées organisées par le dictateur Ferdinand Marcos. C. Aquino est décédée en 2009.
Noynoy, qui a 50 ans, est décrit comme quelqu’un au charisme limité et ses détracteurs ajoutent qu’en 12 années en tant que législateur, Il n’a jamais fait une seule proposition de loi. Mais il est aimé pour son honnêteté et surtout pour son héritage.
Certains analystes avaient prédis qu’avec un tel pédigrée il ne pouvait pas perdre. Mais sans l’apport des voix et le support de la très puissante Iglesia Ni Cristo … Joseph ‘’Erap’’ Estrada n’est pas si loin.
D’autre part, ‘’Noyoy’’ aura à régler le délicat problème de l’hacienda  Luisita, cette propriété de 10.000 hectares, promise aux paysans par Cory Aquino, mais qui demeure un bien de famille.                                                                                                                                                                                               Il lui faudra également, s’il veut apporter des changements, faire face à l’opposition des grandes familles, dont la sienne, qui n’entendent pas perdre une miette de leurs pouvoirs et privilèges.                                             Enfin, peut-être aura-t-il à faire face au retour en force des ‘’Marcos’’. 
A son avantage, il peut compter sur l’appui des forces populaires et il est supporté par les milieux d’affaires, dont le prestigieux Makati Business Club.

2.       JOSEPH ‘’ERAP’’ ESTRADA
Ancien acteur populaire qui combattait le crime et les vilains au cinéma, ancien Président éphémère des Philippines de 1998 à 2001, destitué par ce que l’on peut qualifier de ‘’coup’’ par une coalition d’opposition pour ‘’enrichissement personnel et malversation’’, Erap revient sur la scène politique.  A 73 ans, il est en train de monter dans les sondages, car resté très populaire dans les couches les plus défavorisées.
Et si le support de l’église Iglesia Ni Cristo avait bénéficié à Erap ? Il y a moins de cinq millions de voix d’écart entre Erap et Noynoy ! Cela aurait pu donner lieu à  ‘’règlement de compte à ok Malacanang’’, car Arroyo l’a déposé puis jeté en prison avant de lui pardonner.

3.       MANUEL ‘’MANNY’’ VILLAR
Encore un ancien acteur de cinéma, 60 ans, reconvertit dans l’immobilier et sénateur.
Une des plus grosses fortunes des Philippines, il apparait au début de la campagne comme un sérieux prétendant au titre. Se présentant comme un pauvre, arrivé par sa seule force et sa volonté au sommet, il clame comprendre les pauvres, car issu du même milieu.
Grâce à sa fortune, un début de campagne marketing en forme de rouleau compresseur avec danseuses, musiciens, feux d’artifice, arrivées en hélicoptère, distribution de cadeaux …
Semaine après semaine, la campagne s’essouffle, des rumeurs de corruption circulent, une enquête apporte les preuves qu’il n’est pas réellement issu d’une famille pauvre. Dans les journaux, à la TV, la jeunesse de ‘’Manny’’ apparait au grand jour. Son père, fonctionnaire avait un salaire cinq fois plus élevé que celui du travailleur philippin moyen et sa mère était une des plus importantes grossistes en poisson de Manille.

4.       GILBERTO ‘’GIBO’’ TEODORO
Cousin de Noynoy Aquino, à 45 ans, Mr. Teodoro a choisi un chemin politique différent. Il est le candidat officiel de la présidente sortante Gloria Macapagal Arroyo.
Après neuf ans au pouvoir, la côte de popularité de Mm. Arroyo est au plus bas et elle a passé ces dernières années à se défendre contre plusieurs tentatives d’empêchement (destitution) pour corruption.
Mr. Teodoro est diplômé d’Harvard et a été ministre de la défense dans l’administration Arroyo. Il est également le président du parti de Mm. Arroyo le Lakas-Kampi-CMD.
Récemment, de nombreux membres de ce parti ont fait défection en faveur de messieurs Villar et Aquino, car selon les dernières rumeurs, le Sénateur Villar serait le candidat officieux de madame Arroyo.

5.       RICHARD ‘’DICK’’ GORDON
Le petit poucet de la campagne. Dick Gordon, 64 ans, a gagné ses premiers gallons en tant que maire de Olongapo, ville située en bordure de l’ancienne base navale américaine de Subic-Bay.
Plus connue sous le sobriquet de ‘’Po City’’ par les marins américains, olongapo était jusqu’au début des années 90 une succession de bars, night clubs, maisons closes, dancings, hôtels de passe et … j’en passe.
Après avoir nettoyé la ville, Mr. Gordon a transformé l’ancienne base navale en zone franche et de loisirs attirant par là-même investisseurs et touristes.
Plus récemment, le Sénateur Gordon, Président de la croix rouge des Philippines, a négocié avec succès la libération de trois membres de la croix rouge, otages d’un groupe terroriste dans le sud du pays.
Malheureusement pour lui, Mr. Gordon n’est ni acteur, ni chanteur, ni présentateur de TV shows, il n’est pas non plus un sportif populaire et n’est pas le descendant d’une grande famille.
Comment peut-il être élu ?

Récapitulons et simplifions.                                                                                                                                                         Le 10 mai dernier les philippins avaient à choisir un nouveau président.                                                               On leur a proposé de choisir entre :
Deux cousins issus de grandes familles, l’un d’eux étant le fils de martyrs des philippines.
Deux anciens acteurs populaires, tous deux accusés de corruption.
Et, un petit poucet.
Rendez-vous au 30 juin pour l’investiture.

       


1 comment:

  1. Très bon article et très bon blog, félicitations.
    Cependant je ne partage pas totalement un point "On leur a imposé le choix...", c'est une élection démocratique, c'est triste mais ce sont bien les candidats que les philippins veulent.
    Quand tu vois qu'Erap gagne chez les pauvres alors qu'eux-mêmes se plaignent de la corruption, il y a bien un problème chez les philippins, pas seulement chez leurs dirigeants et dans les grandes familles.

    ReplyDelete